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Cartes postales 14-18

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Près de 300 cartes postales, datant de la guerre de 14-18 ou ayant pour sujet la Grande Guerre, ont été collectées depuis le début du conflit. En effet, une mission ordonnée en 1915 par le Ministère de l'Instruction publique a impulsé la collecte des éphémères produits et édités durant la guerre. Henri Labrosse, conservateur de la bibliothèque municipale de Rouen, a alors pris cette tâche à cœur. Cela s'est révélé d'une importance capitale, la ville étant l'un des carrefours du conflit. Les cartes postales sont, avec les affiches, et les journaux, les vecteurs principaux de la propagande française sur la vie au front et à l'arrière. Le fonds de Rouen recèle de nombreux documents témoignant du contexte social et politique du conflit.
 
La propagande se dirige d'abord vers la valorisation de la guerre, du combat et de l'armée. Une version guerrière de la prière Ave Maria de 1915 brille par sa référence à la chanson de Théodore Botrel, "Rosalie !", faisant glisser l'analogie de la femme à la sainte. L'éloge de l'armée et de ses officiers transparaît à travers des cartes comme La revue du grand chef sur le front. Le Maréchal Joffre bénéficie de la même analogie biblique que la Rosalie, avec la prière Notre Joffre.  Mais c’est la diabolisation de l'ennemi qui est l'un des thèmes favoris des cartes postales. L'enfant au fusil de bois est une carte à système très représentative de cette propagande anti-boche : un enfant mettant en joue un allemand avec son fusil de bois est immédiatement tué par ce dernier, le Français devant alors systématiquement se souvenir de cet acte inhumain (et sans doute totalement inventé).
 
Face à la durée et la brutalité de la Grand Guerre, les désastres ressortent également. Les villes belges détruites font l’objet d’une série de huit cartes postales de l’artiste Gustave Fraipont, illustrateur et affichiste belge, éditées par la Croix Rouge française. Les hommages aux blessés et aux héros sacrifiés de la guerre se multiplient, telle cette carte  illustrant le rabbin Abraham Bloch apportant son soutien à un catholique mourant, avant d'être lui-même tué en août 1914. L'union sacrée, le sacrifice et l'horreur de la guerre sont rassemblés ici par le peintre symboliste Lucien Lévy-Dhurmer.

Beaucoup de nos cartes postales datent de 1918 et 1919, les thématiques principales ont alors évolué. Les propositions de paix deviennent un enjeu de débat et sont propices à la diffusion d'un peu d'espoir ou de satire. Une collection de cartes remémore au citoyen les paroles de paix et d'espoir du Président Wilson, émises notamment lors de son discours devant le Congrès le 2 avril 1917. Les propositions de paix sont discutées, les garanties sont vivement revendiquées dans des cartes à système.
 
L'Alsace libérée, ou l'Alsace prisonnière du barbare allemand est un thème omniprésent dans les documents de propagande. Tous les aspects patriotiques sont l'occasion de rappeler la nostalgie de l'Alsace et la Lorraine françaises, y compris les spécialités culinaires, comme le foie gras truffé de Strasbourg. Les habits traditionnels alsaciens (dont le fameux nœud noir constituant les coiffes féminines) reflètent la résurgence du folklore en ce début du XXème siècle, les costumes servant à revendiquer les particularités de l'Alsace et la Lorraine par rapport à l'Allemagne.
 
La victoire est bien entendu l'occasion de se moquer des perdants, de célébrer l'idée de vengeance, mais également de "prévenir" la société ouvrière contre la "propagande bolchévique", enjeu de plus en plus présent dans la communication aux citoyens.

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